Pourquoi PRO VELO s'oppose aux développements des autoroutes

Pourquoi PRO VELO s'oppose aux développements des autoroutes

Le 24 novembre 2024, le peuple suisse est appelé aux urnes afin de se prononcer sur un paquet de six projets d'élargissement d'autoroutes. PRO VELO s'oppose fermement contre ces projets qui, s'ils aboutissent, auraient des conséquences désastreuses sur la mobilité et la qualité de vie des Suisses.

Pourquoi l'ajout de voies routières ne résoudra pas les embouteillages

L'ajout de voies routières pour résoudre les embouteillages est une solution qui revient régulièrement dans les débats publics. Pourtant, malgré des décennies de projets coûteux visant à élargir les routes, les résultats sont souvent décevants. Les embouteillages persistent, voire s'aggravent, laissant beaucoup de citoyens perplexes. Cet article explore les raisons pour lesquelles l'ajout de voies routières ne fonctionne pas et comment cela pourrait être mieux compris pour promouvoir des solutions de mobilité plus durables, comme le vélo et les transports en commun.

La logique intuitive derrière l'ajout de voies

À première vue, l'élargissement des routes semble être une solution logique aux problèmes de congestion. Après tout, si une autoroute est saturée, il est tentant de penser qu'ajouter plus de voies offrirait plus de place aux voitures, réduisant ainsi les embouteillages. Cette approche s'apparente à résoudre une fuite d'eau en élargissant la conduite : si plus de liquide peut passer, le problème devrait disparaître.

Cependant, contrairement à l’eau dans une conduite, les voitures sont conduites par des individus qui réagissent à leur environnement. Les comportements humains jouent un rôle crucial dans la façon dont les réseaux routiers fonctionnent. Ignorer ces aspects psychologiques conduit souvent à des solutions inefficaces, voire contre-productives.

La demande induite : pourquoi plus de voies signifie plus de trafic

Le concept de demande induite est clé pour comprendre pourquoi l'ajout de voies ne fonctionne pas. Lorsqu'une nouvelle voie est construite, la circulation peut effectivement s'améliorer temporairement. Cependant, cette amélioration attire plus de conducteurs. Les gens qui auparavant évitaient la route en raison des embouteillages décident maintenant de l'emprunter, tandis que d'autres peuvent changer de comportement. Par exemple, quelqu’un qui utilisait les transports en commun pour éviter la congestion peut décider de reprendre sa voiture.

En fait, la création de nouvelles voies ne résout pas seulement le problème des voitures déjà présentes sur la route, elle induit de nouvelles habitudes. Des trajets qui n’auraient pas eu lieu avant l’élargissement deviennent possibles. À mesure que de plus en plus de personnes modifient leur mode de déplacement ou même déménagent vers des zones plus éloignées rendue accessible grâce à la nouvelle capacité routière, la congestion réapparaît. En fin de compte, l'augmentation de la capacité de la route est annulée, et la situation revient souvent à son point de départ, ou pire¹.évolution du trafic prévue par OFROU sur A1

Les changements dans l'aménagement du territoire

Un effet encore plus pernicieux de la demande induite est son impact sur l’aménagement du territoire. L’élargissement des routes favorise le développement de zones suburbaines et des infrastructures dépendantes de la voiture. En construisant de nouvelles routes, on étend la ville horizontalement plutôt que verticalement, ce qui rend les trajets plus longs et plus dépendants de la voiture.

Ce phénomène est particulièrement visible dans les banlieues américaines, mais on peut en voir les prémices par chez nous, à Etoy par exemple. Les nouveaux développements construits en dehors des centres-villes sont souvent accessibles uniquement en voiture, ce qui aggrave encore la dépendance à la voiture et, ironiquement, la congestion des routes. À long terme, cela crée un cycle vicieux où l'élargissement des routes appelle encore plus d’élargissements pour supporter la nouvelle demande. Et encore plus ironiquement, par rapport à l'utilisation du territoire, la voiture est le mode le moins efficace pour transporter une grande quantité de personnes.

Capacité par voies selon les modes

Des solutions viables et durables pour résoudre la congestion

Le concept d’évaporation du trafic montre que réduire la capacité des routes peut, paradoxalement, diminuer la congestion. Par exemple, Séoul a démantelé une autoroute pour restaurer une rivière urbaine, et cette suppression a non seulement amélioré la qualité de vie, mais aussi réduit les embouteillages. Cela s'explique par le fait qu'une réduction de la capacité routière rend les alternatives plus attractives que la voiture, ce qui encourage les usagers à opter pour des modes de transport alternatifs comme les transports publics ou le vélo, ou à renoncer à certains trajets. Ainsi, plutôt que d'élargir les routes, il est plus efficace de réduire la dépendance à la voiture en améliorant les alternatives, comme cela a été démontré dans des villes comme Amsterdam ou Oslo, où des politiques favorisant les transports publics et les infrastructures cyclables ont fait baisser l’utilisation de la voiture. En Suisse, il est crucial de promouvoir ces solutions pour éviter les échecs liés à l’expansion autoroutière et rendre les villes plus vivables, tout en allégeant la circulation et réduisant la pollution et la consommation énergétique.

Conclusion

L'idée que l'élargissement des routes résoudrait les embouteillages est un mythe persistant, mais il est largement contredit par les faits. La demande induite et l’échec des projets coûteux aux États-Unis et ailleurs² ³ ⁴ ⁵ montrent que cette approche est inefficace à long terme. Comme il s'agit du principale avantage avancé par les défenseurs du projet, il est primordiale de rappeler le consensus scientifique.

Au lieu d'investir dans des solutions à court terme qui ne feront qu'aggraver les problèmes de circulation, il est temps de miser sur des alternatives durables. Les embouteillages sont un symptôme d’un problème de mobilité. En Suisse, il est encore possible d'inverser la tendance en investissant dans les infrastructures cyclables, les transports publics et des politiques de densification urbaine. C’est une opportunité à saisir pour rendre nos villes plus vivables, tout en réduisant la congestion et la pollution.

C’est pourquoi PRO VELO Région Lausanne vous remercie de faire du vélo et vous recommande de voter «NON» à l'Arrêté fédéral sur l’étape d’aménagement 2023 des routes nationales qui prévois l’extension de 6 sections d’autoroutes sur tout le territoire avec un budget de 5,3 milliards de francs.

Parodie Albert Rösti

Ressources supplémentaires et inspirations:

Le dossier d'Actif-Trafic "NON aux méga-autoroutes" contient de nombreux arguments reposant sur des bases scientifiques. Il fournisse notamment un argumentaire contenant de nombreuses sources.

Le YouTubeur Not Just Bikes publie régulièrement des vidéos liées à l'urbanisme et à la mobilité, cet article est inspiré par sa vidéo "More Lanes are (Still) a Bad Thing".

[image 1]: Actif-Trafic
[image 2]: tumi, Passenger capacity of different transport modes
[image 3]: PRO VELO Région Lausanne 
[image 4]: heidi.news
[1]: Duranton, Gilles, and Matthew A. Turner. 2011. "The Fundamental Law of Road Congestion: Evidence from US Cities." American Economic Review, 101 (6): 2616–52.
[2]: Anupriya, Prateek Bansal, Daniel J. Graham, "Congestion in cities: Can road capacity expansions provide a solution ?" Transportation Research Part A: Policy and Practice, Volume 174, 2023
[3]: The Fundamental, Global Law of Road Congestion
[4]: Does Expanding Highway Capacity Solve Urban Congestion Problems?
[5]: Wen-Tai Hsu and Hongliang Zhang, “The Fundamental Law of Congestion Revisited: Evidence from the National Expressways in Japan,” Journal of Urban Economics 81 (2014): 65–76